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 Autisme : l’avis sur la HAS, décryptage, article de Taky Varsö 

 
par ASH Isère Nord (Articles), dimanche 7 avril 2013, 17:59
 

• La HAS (Haute Autorité de Santé), dans la polémique sur l’autisme, est-elle restée un organisme public d’expertise scientifique et consultatif, véritablement indépendant ?

 
 La HAS placée sous surveillance ?  
 
Dans un communiqué explicatif intitulé Autisme, questions/réponses, La Haute Autorité de la Santé (HAS) déclare que les approches issues de la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle, sont jugées non pertinentes car non consensuelles, pour autant, elles ne sont pas fermement « non recommandées », contrairement au packing, lequel déconseillé dans le cadre thérapeutique, pourra être mis en pratique dans des protocoles de recherche.
Résumons : « la psychanalyse » n’est franchement ni recommandée, ni « non recommandée »; le packing est fermement non recommandé mais pas totalement interdit. La HAS évite la franche interdiction, mais désavoue la psychanalyse et condamne de facto le packing. Elle tient un discours biaisé qui louvoie d’un camp (pro psychanalyse et pédopsychiatrie) à l’autre (pro méthodes neuro-comportementalistes) pour atteindre un objectif programmé avec le second (en catimini), et in fine lui profitant directement. La preuve par REUTERS/Ali Jarekji et L'Express : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/autisme-vous-allez-encourager-les-psychanalystes-a-evaluer-leurs-aneries_1091368.html
 
   Extrait  
 
« Danièle Langloys, sévère : "Ce que les associations vous avaient demandé, monsieur, c'est de mettre : "pas recommandé" (NDLR : concernant l'approche psychanalytique).
(…)
D.L. : Vous savez que j'ai dû me battre pour obtenir qu'elle n'y soit pas ! Parce que derrière, il y a la question du financement des structures.
(…)
JL.H.: On espère que les politiques vont s'appuyer sur nos recommandations quand ils devront faire des choix de financement. »
Les jeux étaient faits dès le départ.
 
La HAS, aux ordres du nouveau pouvoir sanitaire.
Depuis 2004 (année de la grande offensive contre la psychanalyse initiée par la publication duLivre noir de la psychanalyse), les associations lobbyistes de parents d’enfants et d’adolescents autistes et TED (« troubles envahissants du développement ») n’ont cessé de faire pression sur les décisions institutionnelles et politiques pour « avoir accès à ce qui se fait de mieux à l’ étranger » comme l’ABA, - méthode d’« analyse appliquée du comportement ». Et imposer l’approche neuro-comportementale et les méthodes éducatives dans les prises en charge au détriment des approches issues de la psychanalyse ou affines (pédopsychiatrie/ packing). Si l’on peut juger nécessaire la généralisation de l’approche éducative et comportementale (demande parentale légitime compte tenu de la pénurie actuelle dans ce domaine), les approches psychodynamiques et le packing le sont tout autant, au vu des souffrances psychiques (et pathologies spécifiques) dont souffrent un grand nombre d’enfants et adolescents autistes.
Outre que l’approche globale et pluridisciplinaire invoquée par la HAS, reprenant le discours des associations pour légitimer la « non recommandation » de « la psychanalyse », a été mise en place depuis longtemps dans les structures sanitaires et médico-sociales, selon les modalités d’actions de la psychothérapie institutionnelle et de la psychiatrie de secteur. L’approche globale a été freinée par les restrictions budgétaires depuis une dizaine d’années, sans que les experts de la HAS jugent bon de faire le lien entre pénurie des prises en charge pluridisciplinaires et mode de financement revu à la baisse des structures du service public. Une précision : l’appellation « psychanalyse » invoquée par ses pourfendeurs est une sorte de fourre-tout qui englobe sans les articuler finement, thérapies relationnelles et psychodynamiques, pédopsychiatrie, enfin psychothérapie institutionnelle, plus packing.
L’alignement de la HAS sur la politique gestionnaire du nouveau pouvoir sanitaire répond à la demande de réduction des dépenses de santé. Ainsi l’approche pluridisciplinaire réclamée par les associations de parents et recommandée à la suite par la HAS se fait déjà dans les Instituts Médico-Educatifs. Si chaque année des milliers d’enfants quittent la France pour la Belgique, -faute de trouver une place dans des structures spécialisées-, c’est surtout par manque de dotations budgétaires suffisantes pour augmenter le nombre des structures médico-sociales et leur donner des moyens conséquents pour de meilleures prises en charge.
On aurait tort d’imputer aux seules associations de parents d’enfants autistes l’avis de la HAS. Les pressions (réelles) exercées par celles-ci sont l’arbre qui cache la forêt. Les préconisations de la HAS sont alignées sur les changements d’orientation de la Santé Mentale, résultant d’une politique gestionnaire toujours plus libérale, qui après avoir orienté les prises en charge vers le médico-social, opère un ultime « délestage » vers les structures privées (rééducatives) et les «familles aidantes». La famille devient le premier support de parents handicapés ou malades en termes d’aide, de services et de soins. Les capacités du service public dans le domaine médico-social étant insuffisantes pour des raisons économiques et par manque de volonté politique, le pouvoir mise sur l’effondrement du système. Effondrement auquel la HAS contribue avec ses recommandations.
Si « révolution, il y a dans la prise en charge de l’autisme », comme on peut le lire çà et là, dans les médias, quasi unanimement acquis aux revendications des associations de parents d’autistes, c’est moins pour les raisons serinées sur le Net (« la psychanalyse » ne serait pas prouvée scientifiquement), qu’en lien avec la redistribution de l’argent public, en particulier en direction des usagers et de leurs proches appelés à se professionnaliser. Cette stratégie vise à alléger les finances de l’Etat, en particulier celles de la Sécurité Sociale…. Ce qui pourrait bien expliquer le crédit accordé aux associations pro ABA.
La HAS valide les théories éducatives au détriment des théories « psychistes » au motif comme le dit explicitement le député UMP Bernard Fasquelle, qu’elles seraient inefficaces et remboursées par la sécurité sociale contrairement aux méthodes éducatives, plus économiques (non remboursées).
L’argent public est donc le nerf de la guerre menée contre la psychanalyse et la pédopsychiatrie. Les associations pro ABA (et assimilées) visent à récupérer les financements qui vont aux hôpitaux, aux CMP et aux IME.
Autre raison encore des recommandations de la HAS (argument repris aux associations pro méthodes comportementalistes), c’est la volonté d’aligner la santé mentale en France sur les directives de l’OMS laquelle privilégie les approches TCC et pharmacologiques. Et qu’importe si de nombreuses études récentes (venues des USA et du Canada) critiquent de plus en plus le recours aux approches comportementalistes, en particulier la méthode ABA ! La France en résistant à l’injonction internationaliste DSM et TCC avait un train d’avance, aujourd’hui avec les recommandations de la HAS sur l’autisme, elle recule.
L’avis de la HAS a donc été motivé pour l’essentiel par ce virage gestionnaire dans les prises en charge de la santé et du handicap et par la doxa OMS. Dès lors, on peut considérer que les associations de parents ont été plus instrumentées qu’elles n’ont manipulé les experts décisionnaires de la HAS, dans un jeu de dupes, où la tromperie s’est jouée à plusieurs niveaux.
  L’ABA, périmée mais recommandée par la HAS  
En recommandant, sous la pression de quelques associations de parents, la méthode ABA pourtant jugée inefficace et coûteuse, en particulier par le professeur Laurent Mottron, psychiatre et neurologue, la HAS a manqué de recul et d’esprit critique, pourtant nécessaire àtoute expertise évaluative. C.f. l’article : http://www.lemonde.fr/sante/article/2012/03/15/autisme-une-mise-en-garde-contre-la-methode-aba_1669458_1651302.html
 « La seule chose que je critique dans le rapport de la HAS, dit le Pr. L. Mottron comme scientifique et clinicien de l'autisme et j'ai le droit de le faire, parce que cette technique à été rendue obligatoire au Québec en 2003, avec pour effet de monopoliser tous les budgets, avec des résultats non démontrés, et la conséquence de laisser les adultes autistes sans ressource, c'est la place (que la HAS) a fait à l'ABA. »
Le Pr. Laurent Mottron, extrêmement critique envers « la psychanalyse », a approuvé le travail de la HAS, il ne peut donc être suspecté de parti pris concernant l’ABA…
Maintenant que les méthodes comportementalistes sont recommandées sans autre précaution que le conseil par la HAS d’avoir à les appliquer au long cours (ce qui dopera le marché des TCC, touten professionnalisant à vie les parents, sans garantir l’autonomie réelle de leurs enfants devenus adultes), les structures privées (familiales et locales) vont pouvoir se développer et récupérer une partie de la manne publique laquelle bénéficiera également aux professionnels TCC qui les superviseront et formeront les parents et éducateurs. De leur côté, 400 équipes (selon Pierre Delion, invité au meeting du Collectif des 39, le 17 mars 2012) formées au packing dans les structures publiques seront au chômage et les enfants gravement automutilés qui bénéficiaient de l’apaisement apporté par cette méthode, laissés en plan. Ne leur resteront plus comme seules alternatives que la chimiothérapie ou la salle d’isolement.
La suite d’événements, liés à la controverse sur l’autisme, -de janvier 2012 à mars 2012 : proposition du projet de loi du député UMP Daniel Fasquelle, condamnation du film « Le Mur », mise en cause du professeur Pierre Delion au titre de sa pratique du packing, plus l’intense lobbying des associations de parents d’autistes et du collectif « Soutenons le mur », a créé une conjoncture médiatique, profitable aux associations « pro ABA». Leur discours aussi simpliste que fanatique, a été largement relayé par les médias, et ce, sans aucun recul de leur part, à quelques exceptions près.
  Le piège de l’évaluation (et son inanité)  
La HAS incite les équipes et centres hospitaliers d’orientation psychanalytique et de psychothérapie institutionnelle à développer des projets de recherche leur permettant d’évaluer l’efficacité de leurs pratiques. Incitation présentée comme un avantage donné aux défenseurs de la psychanalyse qui devront s’en saisir s’ils veulent pérenniser leurs pratiques. En réalité,l’évaluation chiffrable constitue une mise en garde aux allures d’ultimatum, mais dont la fin serait écrite à l’avance.
La HAS envisage-elle vraiment à terme de revoir « sa copie » quand une méthodologie évaluative adéquate aux approches psychanalytiques et affines aura été élaborée et expérimentée, ou table-t-elle sur son échec et le peu de temps imparti aux équipes pour la mettre en place, afin d’éliminer définitivement « la psychanalyse » des soins aux enfants autistes, comme le laisse entendre le Pr. JL Hassoureau à Mme D. Langloys dans l’échange surpris par le journaliste de l’Express ?
« Danièle Langloys : Mais monsieur, vous allez vraiment encourager les psychanalystes à évaluer leurs âneries [le rapport recommande de faire des essais cliniques dans la psychanalyse, alors que la communauté scientifique internationale a abandonné ce champ de recherche]?  Vous, un homme de sciences ? Vous me décevez.
JL.Harousseau : Mais je vous parie qu'ils ne le feront pas! Allez, dans un an, on fait le point ensemble. Et si les pratiques n'ont pas évolué sur le terrain, alors on en reparle ".
Le précédent constitué par le rapport 2004 de l’Inserm a montré l’inanité d’une telle approche.
L’Inserm avait tenté de démontrer la supériorité des TCC comparées aux autres psychothérapies. Son rapport examinait 3 approches (thérapies psychanalytiques, thérapies comportementales et cognitives, thérapies familiales et du couple) pour conclure, un peu vite, à la supériorité des TCC sur les deux autres méthodes. Après examen, le succès des TCC paraît relatif, en particulier avec les affections au long cours, comme la schizophrénie ou la dépression, -la clinique des troubles psychiques ne se résumant ni aux TOC, ni à la phobie, troubles pour lesquels les TCC semblent se révéler plus efficaces.
Ainsi dans ce même rapport, on pouvait lire cette analyse: « Dans la dépression, les résultats sont plus nuancés. Comparée aux autres thérapies, la TCC semble plus efficace dans certaines études. En revanche, deux méta-analyses confrontant les résultats de TCC et d'une thérapie psychodynamique montraient, l'une, aucune différence significative, l'autre, une supériorité de la TCC. Les résultats sont divergents dans la dépression majeure de l'adolescent.
Et ceci encore : La thérapie psychodynamique (soit d’orientation psychanalytique) «s'est révélée plus efficace que la thérapie de soutien dans une étude consacrée à la schizophrénie
Le rapport de 2004 confirme un fait récurrent concernant les évaluations des psychothérapies (toutes approches confondues), celui de la divergence des résultats (2). Ce fait saillant ressort des enquêtes évaluatives publiées depuis les années 50. La HAS a habilement contourné ce problème.
Selon que l’on considère l’étiologie (recherche des causes) comme organogénétique ou psychogénétique, on envisage le diagnostic, mais aussi la clinique et la thérapeutique avec des conséquences et des buts différents, de sorte qu’on devrait prendre en compte cette différence dans l’évaluation des thérapies. Enfin, les résultats font apparaître des variables : certaines pathologies sont plus sensibles à tel ou tel type de thérapie (positivité pour les TOC pour les TCC, négativité pour le schizophrénie ou la dépression). Il faudrait analyser ces variables et en tirer les conséquences. Dans le cas d’une approche pluridisciplinaire, il faudrait également pouvoir les articuler en fonction de leurs spécificités (valeurs), pour obtenir une compréhension juste de ce qu’est une démarche globale associant soin et éducatif.
   La méthode du « consensus formalisé », non pertinente   
Dans la situation de conflit d’intérêts entre « pro psychanalyse » et « pro méthodes comportementalistes », la HAS n’aurait-elle pas dû contrôler rigoureusement et traiter à égalité les intérêts lobbyistes, des deux bords, afin de préserver l’intégrité de ses recommandations ? En resserrant ses liens avec le privé, au détriment du secteur public (en particulier de la pédopsychiatrie), soit en privilégiant les associations, la Haute Autorité de la Santé, a failli à sa mission, précisément publique.
Les recommandations de la HAS ont été établies sur la base d’un « consensus formalisé » qui a conclu à la «non pertinence» des approches issues de la psychanalyse ou affines, en «l’absence de données sur leur efficacité » et du fait de « la divergence des avis exprimés ».
   Qu’est-ce qu’un consensus formalisé (acronyme : CF) ?  
Méthode censée « modéliser » les « avis des professionnels de la santé ou des experts » sur un sujet polémique donné et/ou dont la scientificité pose problème en l’absence de preuves scientifiques, le CF vise l’objectivité des recommandations. A l’aune de ce qu’a révélé l‘échange entre Mme D. Langloys et le Pr. J.-L. Harousseau, on ne peut que douter de l’objectivité d’un tel rapport… En conséquence, on est en droit de considérer comme non pertinente la formule « consensus formalisé », à la suite, ne pas la recommander.
Le rapport de la HAS a entériné la demande des associations de parents d’enfants autistes acquis aux approches comportementalistes et minoré l’expérience des praticiens non TCC, en particulier celle de professeurs pourtant internationalement reconnus pour leurs publications et travaux dans le domaine de l’autisme. La demande des associations de parents, très remontés contre « la psychanalyse », a permis, sur la base de leurs griefs, la recommandation de la méthode ABA comme « bonne pratique ». Les doléances parentales auraient-elles valeur d’arguments scientifiques ? Ce n’est pas parce que les familles affirment avoir subi un préjudice, au titre des supposés dommages occasionnés par la pédopsychiatrie, qu’une telle accusation vaut comme preuve de sa « non scientificité ». On peut dès lors considérer que tout grief parental vaut désormais comme critique objective des pratiques en pédopsychiatrie, et permet d’en déterminer la valeur et la portée. On recommande donc à la HAS de se passer dorénavant de ses experts scientifiques au profit des seules associations…
Le « consensus formalisé » dans le rapport publié conjointement par la HAS et l’ASNEM se présente comme l’ensemble des concessions faites, à la fois aux associations de parents d’enfants autistes et aux professionnels et pédopsychiatres d’obédience psychanalytique. Certes, mais pas dans les mêmes proportions. Si le consensus est un « accord entre plusieurs parties » comment le considérer, si l’une de ces parties est sous-représentée, par suite mathématiquement désavantagée ?
Les concessions faites aux associations pro ABA, soutenues bruyamment à l’extérieur par le député Daniel Fasquelle (auteur d’une proposition de projet de loi visant l’interdiction pure et simple de la psychanalyse dans la prise en charge de l’autisme), sont disproportionnées par rapport aux « mini » concessions faites aux praticiens de l’autisme (pédopsychiatres/psychanalystes) lesquels, au vu des tractations qui ont précédé, ont étédisqualifiés dès le départ. Quoi qu’ait pu affirmer la HAS, il n’y a pas eu égalité des traitements.
C’est donc pour des raisons moins scientifiques que relatives à la pression sociétale et à la gouvernance gestionnaire de la Santé que la HAS a donné un blanc-seing aux pourfendeurs de « la psychanalyse ». La demande des associations soutenue par des experts au deux tiers non praticiens de l’autisme a concouru à « formaliser », voire « formater », les recommandations de la HAS.
Faute d’un accord entre toutes les parties, la méthode CF, mise en avant par la HAS en cas de controverse, a accouché au final d’un rapport « formalisé » d’une façon ni équitable, ni scientifique.
La « non pertinence » de la psychanalyse et approches affines a donc été déduite d’une sur-représentation de la doxa éducative (3), valant logiquement plus que l’avis des pédopsychiatres et psychanalystes, dans les faits sous-représentés.
Les partisans des méthodes comportementales dont les associations "Vaincre l’autisme" et "Autisme sans frontières" (commanditaire du film controversé de Sophie Robert) sont le fer de lance depuis le début de la campagne anti-psychanalyse et anti-packing, ont donc eu largement gain de cause. Sauf sur leur demande la plus liberticide : l’interdiction pure et simple de la psychanalyse dans la prise en charge de l’autisme.
Les parents d’enfants autistes pourront choisir les méthodes qui leur conviennent, et/ou les conjuguer. Le principe inaliénable du choix thérapeutique semble avoir été respecté. Néanmoins, en déconsidérant les soins psychiques et en valorisant (et recommandant) seulement la rééducation à visée intégrative, elle met en péril les services en pédopsychiatrie et les structures médico-sociales qui défendent la progression globale des enfants autistes et leur autonomie. Comme le souligne Jean-Claude Maleval dans L’Autiste et sa voix (4) : « le destin du sujet autiste n’est pas scellé dans son corps : son environnement joue un rôle important dans son devenir. Or l’éducatif ne suffit pas à traiter la personne autiste. Il faut quelque chose de plus, qui ne se programme pas, mais qui peut s’entraver ».
   Changement de paradigme, danger !   
D’ors et déjà les associations et professionnels TCC se réjouissent et prévoient de meilleures prises en charge, avec des progrès considérables pour les enfants et une amélioration de vie pour leurs familles.
   S’il est souhaitable :
- que les enfants autistes soient éduqués, scolarisés et insérés dans la société grâce aux techniques éducatives, nonobstant le fait qu’une éducation attentive à leurs besoins et créative peut tout aussi bien, si ce n’est mieux, faire l’affaire (voir, les approches à médiation créative et ludique comme l’expérience du Papotin http://www.lepapotin.org/ , plus les témoignages de parents ayant opté pour d’autres formes éducatives (5) que celles comportementalistes et ceux des autistes Asperger hostiles à ces mêmes méthodesdénoncées comme inefficaces et barbares)...
- que leurs facultés cognitives soient stimulées par des méthodes développementales (comme la méthode TEACCH par exemple),
 Il est dommageable  d’ignorer la dimension d’angoisse spécifique qui est la leur, sachant qu’elle peut être prise en charge efficacement par des approches psychodynamiques et somato-psychiques (packing). A moins de vouloir traiter ce problème de l’angoisse uniment par la réponse pharmacologique avec des conséquences néfastes pour l’avenir des enfants autistes ou TED : taux de suicides important pour les adolescents traités avec des neuroleptiques dans l’enfance, plus les effets secondaires ayant des conséquences pour leur santé à long terme. La HAS dont la priorité devrait être la Santé, montre, les limites de ses recommandations, du fait de la confusion relative à la définition du « thérapeutique », rabattu sur l’éducatif. La HAS en substituant les techniques éducatives comportementales aux psychothérapies  relationnelles (et autres) permet le recours quasi exclusif aux techniques d’apprentissage. Le changement de paradigme conduit à une impasse thérapeutique. Doit-on substituer aux soins, l’éducation et l’adaptation, - comme mise aux normes des conduites ? La singularité psychique des autistes doit-elle être réduite uniment aux dysfonctionnements neuro-cognitifs, sur le versant comme le dit O. Sacks de la seule « défectologie » (6) Du côté des experts, on nous parle de changement de paradigme faisant passer l’autisme en toutes ses déclinaisons DSM, de la notion de psychose à celle de handicap, au motif d’une étiologie (causalité) génétique dont les conséquences seraient purement cognitives. Quoi qu’il en soit, ce basculement profite logiquement moins aux professionnels de la santé mentale (excepté les neuroscientistes en tous leurs labos de pointe) qu’aux professionnels d’un champ éducatif réduit à sa plus simple expression (l’apprentissage des routines).   
  Conclusion  
  Les associations pro ABA ne veulent aucun consensus, pas même « formalisé », contrairement à l’ensemble des pédopsychiatres/psychanalystes de la santé mentale. Non contentes de refuser la conjugaison des TCC, de la psychothérapie institutionnelle et de la pédopsychiatrie, elles visent la disparition de l’interdisciplinarité pratiquée dans les structures médico-sociales et l’interdiction pure et simple de la psychanalyse et approches affines. Le succès de ces associations auprès des plus hautes Instances ne laisse pas d’inquiéter. Pas uniment pour l’avenir des professionnels se réclamant de la psychanalyse, de la psychothérapie institutionnelle et de la pédopsychiatrie, mais, d’abord et surtout pour les enfants autistes et les parents qui ne se reconnaissent pas dans la dérive comportementaliste. Et au-delà, pour la société. Une société où la Chose publique est confisquée par des groupements d’intérêts privés, peut-t-elle garantir l’accès à ses services publics, pour tous et sans discrimination? La ruine de la pédopsychiatrie (sous couvert de validation des bonnes pratiques) guette également l’École qui se voit déjà contrainte, comme la Santé, aux dérives évaluatives, avec à la clé l’obligation de se soumettre aux injonctions capitalistes que sont la surveillance, le contrôle, l’adaptation, la compétitivité. En « externalisant » les soins, du public vers le privé, au nom de « bonnes pratiques», qui n’ont rien de scientifique (l’ABA), la HAS a sacrifié en toute connaissance de cause, une pédopsychiatrie humaniste.   
   Notes et liens :  
1- La généralisation de l’évaluation dans le champ de la santé mentale répond d’une part, à une demande de contrôle de l’État à des fins économiques et gestionnaires, de l’autre, à la demande participative et démocratique de groupements privés (des usagers du champ médico-social et de leurs proches). Les usagers et les familles via des organisations nationales, régionales ou locales, ou via des associations d’expression identitaire et communautaire (en particulier certaines associations de parents d’enfants autistes) pèsent avec succès dans les décisions prises institutionnellement ou législativement dans le champ médico-social et ainsi participent  démocratiquement au débat sur la santé mentale. Cette tendance pour être recommandable, du moins en termes de débat démocratique, n’empêche pas les dérives identitaires et communautaires (sectaires ?) de certaines associations qui veulent imposer leur vision personnelle dans le contexte des débats actuels «pro et anti psychanalyse», en particulier sur fond d’ «Autisme, Grande cause nationale» pour l’année 2012.
2- Ce problème de l’évaluation n’est pas nouveau comme le montre P.-H. Castel dans «Quelques points méconnus de l’histoire et de l’épistémologie des TCC » : http://www.freud-lacan.com/Parutions/Autres_revues/Le_cognitivo_comportementalisme_en_question.
Déjà dans les années 50, une étude de B. Wampold concluait à l’impossibilité de démontrer que l’approche comportementaliste était plus efficace que l’approche psychodynamique, et établissait même l’efficacité des psychothérapies longues d’inspiration psychanalytique, souligne P.-H Castel. Peut-on appliquer le même type d’évaluation à des approches qui ont des instruments diagnostics différents (DSM IV pour les TCC, métapsychologie pour la psychanalyse), par conséquent «produisent» des groupes de patients, des «objets scientifiques» et des valeurs non comparables, que les experts de l’Inserm tentent pourtant d’homogénéiser ? L’approche monographique assortie de méthodes qualitatives serait plus adaptée dans le cas des psychothérapies issues de la psychanalyse ou affines comme le packing.
3- Voir la répartition des participants selon le type de l’organisme, schéma, p. 2 du Communiqué de la HAS, Autisme : Questions/réponses. La Has peut se féliciter d’avoir pris en compte la demande de participation démocratique à la santé par ses usagers. On en connaît les raisons réelles…
4- Jean-Claude Maleval, "L’Autiste et sa voix"Seuil, Paris, 2009.C.f. le dernier chapitre (IV), «L’apprentissage ne suffit pas ».
5- Mireille Battut, «Mère d’enfant autiste, plutôt coupable qu’ABA», article 2012 : http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=3260 et Jacqueline Berger, "Sortir de l’autisme", Buchet Chastel, Paris, 2008.6- Oliver Sacks, "L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau", Essais/Points, Paris, 1988.
 


14/06/2013

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